mardi 14 avril 2009

L'immeuble de chômeurs


Je me suis réveillée en sursaut cette nuit, prise d'une profonde crise d'angoisse, suant des gouttes grosses comme des outres, ressentant dans mon fort intérieur un manque oppressant. Plus d'une semaine que je n'avais plus rien posté sur ce blog!


Quoi? Mais comment est-ce possible? On ne peut pourtant pas dire que mon agenda de chômeuse me prenne tout mon temps! Que s'était-il donc passé???


Après un rapide survol de mes occupations de cette semaine (les courses du lundi, le ménage du mardi, et le reste dédié à internet), j'ai du me rendre à l'évidence...j'avais perdu l'inspiration...sans même m'en rendre compte!


Je ne savais plus ce que j'en avais fait! 


J'ai donc décidé de relire mes écrits en tous genres, espérant retrouver le fil d'une pensée, ou l'ombre d'une idée avec laquelle je n'arrivais pas à renouer.


Sans succès.


C'est là que m'est revenu en mémoire un vieux dicton néo-zélandais, ou tibétain je ne sais plus, qui m'aiderait certainement à retracer mon chemin à travers le Monde des Idées :   « à quoi sert de chercher loin ce qui se trouve tout près? ». Forte de cette philosophie enivrante, j'ai donc décidé d'ouvrir les yeux, et de regarder...ce qu'il y avait de plus près....mes voisins!


Eurêka! J'avais trouvé!! En voilà, un beau sujet de conversation, pour toutes les concierges qui sommeillent en nous : les voisins!


Il faut dire que les miens sont un peu particuliers...ils sont, disons, spéciaux...car je ne vous ai pas tout dit...je vis dans un immeuble de chômeurs! Des collègues, donc! Et un immeuble de chômeurs, ça ne fonctionne pas de la même manière que n'importe quel immeuble...car oui, j'ose le dire, les chômeurs sont des gens « à part »!


Pour commencer, parlons de la concierge, justement! Ma concierge à moi est un beau jeune congolais, qui aurait pu tourner dans un clip de Jennifer Lopez, sauf qu'il est trop souvent habillé à mon goût! C'est plus fort que moi, quand je le vois suer en récurant le sol de l'entrée, je me sens le devoir de lui conseiller de se dévêtir un peu...c'est vrai, quoi, entre voisins, c'est normal...non?


Vous me direz « mais il n'est pas chômeur, puisqu'il est concierge »...oui, je le pensais moi aussi, jusqu'à ce que j'apprenne dernièrement qu'il n'était en fait pas concierge du tout, mais seulement un fanatique du nettoyage. Mais je continue quand même à l'appeler « le concierge », question de fantasme...


Faut dire que quand on est chômeur, on s'emmerde grave, si vous me passez l'expression, alors il faut bien se trouver une occupation. Et puisque l'Onem vous ordonne de rester « disponibles sur le marché de l'emploi », vous êtes censés rester chez vous 24h sur 24, au cas où un employeur viendrait sonner à la porte...il n'y a vraiment que l'Onem pour croire ça! 


Bref, retournons à mon immeuble! 


L'intérêt, quand on vit dans ce genre d'endroit, c'est qu'on a tous le même rythme. Les premiers signes de vie ne se font pas entendre avant 11h, notre « aube » à nous. On dîne en plein milieu de l'après-midi. On sort les poubelles à 4h du mat...juste après le souper. Même le facteur ne passe pas avant midi! Et l'on ne trouve pas cela inadmissible que l'un d'entre nous fasse la fiesta jusque 5h, puisque de toute façon on ne doit pas se lever tôt! C'est cool, un immeuble de chômeurs...


C'est cool...mais ça me fait quand même réfléchir sur l'état de santé de notre société, de même que tous les travailleurs qui liront cet article, j'imagine. La Belgique aurait-elle créé une génération de fainéants et d'assistés? La réponse est oui! Mais la faute à qui?

Quand je pense que l'état a mis en place des institutions censées nous aider à trouver du travail, et que ces institutions en questions passent plus de temps à vous créer des ennuis administratifs qu'à se préoccuper de votre recherche d'emploi, je me demande si finalement le système ne s'est pas retourné contre lui-même.


Je me souviens très bien de mon premier entretien avec un job coach, qui m'a clairement expliqué que je ne correspondais pas aux critères classiques d'un chercheur d'emploi, et que je devais donc me débrouiller toute seule. Ce que j'ai fait, pendant 4 ans. Mais malheureusement le domaine du cinéma et du socio-culturel n'est pas un domaine qui rapporte, donc mon expérience est considérée comme nulle aux yeux des « contrôleurs ». Je me rends bien compte que ma discipline est loin d'être habituelle, mais je ne pense pas être la seule dans ce cas. Quid de tous ceux qui n'ont fait ni le droit, ni médecine, ni commu, ni science-éco, ni plombier?


Peut-on encore qualifier ce système de « social »? Dans un pays à l'agonie où le chômage augmente aussi vite que s'agrandit le trou dans la couche d'ozone, trouver un emploi relève du défi. « La crise », me direz-vous! Elle a bon dos, la crise! Elle offre surtout un prétexte aux employeurs frileux pour n'engager personne. Les riches s'enrichissent, les pauvres s'appauvrissent, rien de neuf sous le soleil capitaliste. Non, je ne suis pas communiste, juste un peu anarchique. Mais comment ne pas avoir la nausée en réalisant que « précarité » ne rime plus avec « solidarité ». Depuis cette fameuse crise, je suis sûre que plus personne ne donne de pièces aux mendiants...je le sais, je l'ai pensé moi aussi! Et je ne m'en suis pas sentie particulièrement fière! Le tout est de savoir si nous sortirons de cette crise grandis....


L'accès à l'aide sociale en Belgique s'assimile au parcours d'un inculpé. Vous n'êtes plus présumé innocent, mais bien coupable, par principe. Coupable de ne pas avoir de revenus! Et c'est là que l'enquête commence. Ils cherchent, fouillent, scrutent votre vie pour y déceler la moindre trace d'une activité douteuse qui leur permettrait de ne pas avoir à vous aider. Une aide sociale qui n'aide personne...nous voilà bien aidés! Vos extraits de compte sont passés au peigne fin, et pour trouver quoi? Que je n'ai jamais eu plus de 700 euros sur mon compte depuis deux ans?


Quand finalement tous les indices ont été minutieusement récoltés, ils décident alors si oui ou non vous méritez (car oui, le droit de survivre se mérite chez nous!) de faire partie de ce qui est devenu un cercle privilégié, celui des assistés. 

J'entends souvent autour de moi « honte à ceux qui travaillent au noir! », « honte à la fraude sociale! »...oui, vous devriez avoir honte de ne pas accepter votre situation misérable et, surtout, d'essayer de vivre mieux! C'est tout à fait scandaleux!

Par contre, la fraude fiscale (exercée par la moitié des Belges), les parachutes dorés, les détournements, ça n'a l'air de révolter personne!


Alors non, la nouvelle génération n'est pas fainéante, car je vous prie de croire qu'il faut une sacrée dose de motivation pour se débrouiller dans un système démissionnaire! Une sacrée dose de motivation pour ne pas tomber dans l'oisiveté!


Donc, mon immeuble de chômeurs n'est malheureusement pas une exception, il n'est autre que le reflet de notre pays face au contexte actuel : décalé.


Féline-talkin'-bout-a-revolution







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